I'm living in an age that calls darkness light (Ludmila)

07 février 1922 :

Les nuages glacés et éphémères viennent agoniser en virevoltant sur le sol grisâtre de Bulgarie. Irina contemple ce spectacle d'une macabre douceur alors que les contractions lui enserrent les entrailles. La douleur est vive et sourde, tenace, mais ce n'est rien comparé aux désillusions qu'elle a du affronter depuis son mariage avec Ivan. Il était beau, parfait, le prince désigné. De ses prunelles océanes n'émergent finalement que la glace et non pas l'eau, de sa peau de marbre ne subsiste que la froideur et non la douceur. Elle l'avait aimé pourtant son prince. Ce prince qu'on avait choisi pour elle. De toute son innocence frêle, elle avait voulu croire en ce mariage. Et pourquoi pas après tout ? Elle avait la grâce rare des Ballerines, la candeur des années jeunes et la lueur des promesses de l'aube au coin de ses prunelles délicates. Un bijou soufflait ses parents au clan Vasilev. Et elle en était un, mais voilà, Ivan n'avait que faire d'un bijou pour sa couronne. Sa stature était déjà bien solide, ses pions avancés, son ambition en étendard, il n'avait nul besoin d'une femme pour parvenir à ses fins. Elles étaient tout juste bonnes à satisfaire ses pulsions au creux des draps, et en la matière il préférait l'éphémère que les promesses. Il l'avait trouvé amusante, rafraîchissante la Belle Irina, alors il l'avait apaisé de belles louanges, bien vite oubliées à mesure que son ventre enflait d'un héritier. « Poussez, Poussez Madame Vasilev, le bébé sera bientôt là. » Non, cette souffrance n'était rien, la déchirure ne lui rappelait que les lueurs d'autrefois, Irina était brisée et rien ne pourrait la ranimer à l'innocence passée. « La voilà, une belle petite fille. » Les prunelles s'assombrissent puis s'effarent. Elle n'est pas parvenue à réaliser la tâche qu'on lui a confié, une fille et non un fils. Ivan sera furieux.

Le Prince arrive bientôt, de toute sa stature impeccable, arrachant les sourires des sages-femmes qui ne peuvent résister à la beauté parfaite du Bulgare. Il regarde un peu curieux, le petit-être qui s'anime dans les langes, il est saisi du regard similaire au sien que lui envoie le nourrisson. D'un geste précis et assuré, il écarte le tissu pour observer l'entrejambe et ce qu'il voit ne lui plaît pas. Il rejette aussitôt le lin sur les jambes nues. « Ludmila. » déclare-t-il solennellement en passant une main ferme sur les cheveux de sa femme avant de repartir aussi vite qu'il était venu. Il devra recommencer, abuser de ce corps désormais épuisé par la maternité, mais il doit à tout prix garnir sa lignée d'héritiers mâles. Peu importe le prix à payer.

10 juin 1929 :

On dit que sept ans est l'âge de raison. Et c'est sans doute vrai pour la Petite Ludmila. Les personnes évoluant dans l'environnement de la petite filles sont étonnés de la maturité que peut renvoyer son regard qui jamais ne défaille. Désormais entouré de deux frères, nés deux années après elle, les jumeaux, Ludmila peut se satisfaire d'évoluer tranquillement dans la richesse des Vasilev. Ivan est satisfait puisque deux garçons sont venus porter son nom. D'abord distant de son aînée, il lui reconnaît désormais des qualités qu'il ne voit pas dans ses seconds. La Petite fille aime à oublier le temps dans la pratique du piano qu'elle pratique assidûment. C'est une petite fille rêveuse mais volontaire, elle ne connaît que trop bien la réalité et c'est dans la musique qu'elle s'apporte un peu de douceur. L’héritière est élevée comme il se doit, une éducation rigide, le port de robes splendides et une application stricte des bonnes manières. On la façonne, on la forme pour qu'elle adopte les qualités du clan : discrétion, méthode, volonté. Elle est bonne élève et même très douée. Son père, elle le vénère autant qu'elle le redoute, elle l'estime du moins. Sa mère n'est à ses yeux qu'un être fragile et faible. Elle en est désormais parfaitement consciente, d'autant plus depuis cet événement quelques jours plus tôt.

Le Silence. Le silence est omniprésent chez les Vasilev, hormis parfois quelques notes de piano ou de violon qui apportent quelques sons dans l'environnement feutré. Ludmila s'énerve de ses frères qui viennent l'embêter alors qu'elle joue tranquillement de son instrument favori. Ce n'est pas son genre, mais plutôt que de se faire réprimander pour les avoir remis à leur place, elle décide d'aller quérir sa mère. La porte de bois grince de protestation alors que les phalanges effrontées la pousse avec détermination. Les prunelles célestes de la petite fille n'aperçoivent alors qu'une mare de sang. Sa mère y gît inconsciente. Il se passe quelque chose de grave et elle en a aussitôt conscience. La Petite reste parfaitement stoïque alors qu'elle arrive dans le bureau de son père. « Père, il semble que Mère ait tenté de mettre fin à ses jours. Elle a besoin d'une assistance. » Ivan se dirige alors avec empressement auprès du chevet de sa femme, lui portant les premiers soins. Imperturbable, Ludmila se dirige à nouveau vers son piano. Rien ne transparaît de ses traits diaphanes mais c'est une rage sourde qui l'anime, son sang se fait bouillant dans ses veines placides en apparence. Elle rejette totalement cette mère, cette faiblesse. Comment peut-on- se donner en spectacle de la sorte ? C'est une honte de la famille. Et alors que les sept ans couronnent la jeunesse de l'aînée, elle se fait une promesse. Jamais elle ne sera si faible. Jamais, elle ne se laissera piétiner pour le cœur d'un homme. Plutôt mourir avec violence que de ne pas faire honneur à son sang.

05 septembre 1923 :

La bâtisse est fidèle à sa réputation. Haut et froid, presque lugubre, pour le moins excitant. La promesse de l'affranchissement des ombres parentales. Durmstrang. Ici, elle est plus qu'un nom. Ici, tout reste à prouver. Emmitouflée dans la fourrure de sa cape, les iris bleutés contemplent le gris enneigé. Ludmila s'avère être une élève appliquée, aussi discrète que populaire. Paradoxalement. Elle évolue en Solitaire, n'a pas vraiment d'attaches amicales et pourtant, chacun recherche sa compagnie. Les garçons surtout. Fascinés par sa beauté froide et son aura de mystère. Et la Bulgare sait en jouer. Elle déploie ici ses trésors de manipulation. La tête avisée et les mains délicates, les lèvres sachant se faire désirables, innocentes en apparence. Ludmila sait adopter l'attitude adéquate et tout dans son comportement prête à croire en une jeune fille innocente et délicate. Mais sous la carapace adoucie, se révèle une amorce de femme bien plus ambitieuse et calculatrice, elle ne sert que son propre intérêt, et un seul but anime son sang. La liberté. Les années passent, les compliments pleuvent sur sa personne et la fierté paternelle s'installe. Même ses frères la respecte et ne la cajolent point trop. Elle est ainsi bien lancée la Fière Vasilev, jusqu'au jour où son regard croise celui d'un jeune homme aux ambitions aussi fortes. Les buts qui les animent sont différents mais l'attirance est communément forte. Une relation partagée entre rejet et passion féroce. Les disputes éclatent et les rapprochements ne sont que plus puissants. Elle l'a dans la peau. Les promesses se font silencieuses mais tenaces. Ludmila en oublie qu'on a décidé de son destin pour elle et qu'il en sera autrement.

21 décembre 1940 :

La révolte gronde, les temps sont plus obscurs, appelés à la lutte. Ludmila n'en a que faire, elle est absorbée par un combat bien plus personnel. Alors que le nacre vient parer le blanc de sa robe, ses pieds avancent tant bien que mal sur le tapis carmin de l'église. Ce filet rougeâtre la conduit à son époux, comme une métaphore du meurtre de ses rêves d'indépendance et de liberté, abrogés dans la violence. Mais Ludmila est une femme de devoir, elle se pliera à la volonté familiale. C'est ainsi qu'elle prend Aedd comme époux. Un Anglais. A mesure que l'Orgueilleuse se laisse passer l'anneau doré au doigt, elle ressent comme une chape de plomb autour de son cou. Son diaphragme s'écrase, sa poitrine halète et le rose monte à ses joues de porcelaine. Les observateurs y voient l'émoi d'une jeune mariée, les initiés comprennent la rage sourde qui bouillonne en elle, flétrie d'impuissance.

Aedd sait être un mari prévenant et compréhensif du moins, il l'aide à accepter l'Angleterre qu'elle trouve désespérément morne et humide. Contre toute attente, son époux se révèle être un fidèle allié, on peut pas parler d'amour mais de respect mutuel, d'estime. C'est ainsi que le temps aidant, Ludmila accepte sa situation et en tire profit. Trois enfants naissent de cette union. D'abord un peu désemparée par ces projets maternels qu'elle n'avait pas envisagé, la jeune femme se révèle être une mère louve et redoutable. Ses enfants porteront ses rêves de liberté et d'indépendance en étendard, ce qu'elle n'a pas pu être, elle décide de l'offrir aux générations futures. Ludmila se résigne, trouve une certaine résilience dans la maternité jusqu'à la venue au pouvoir de Grindelwald.

1946 :

La Bataille. La mort de son époux, des mains d'une traître. Une Lux. L'injustice, le chagrin aussi. Chagrin qu'il faut habilement glisser derrière la muraille d'orgueil qu'elle a su dresser avec le temps. Ludmila ressent la peine de perdre son seul allié mais elle garde pour autant la tête froide. Elle est désormais veuve et doit survivre dans ce monde Prédateur. Son beau-frère Galaad arrive bientôt et lui enlève Glyn, elle ne peut refuser, sa position est trop vulnérable et Galaad s'avère être un appui plus qu'appréciable. Puisque en échange de son fils, il lui apporte un indéfectible soutien. Elle ne s'inquiète pas pour son fils, elle lui a légué son éducation et celle de son Oncle achèvera d'en faire un puissant de ce monde. Mais c'est la dureté qui hante son cœur désormais, la Belle a depuis longtemps ouvert les yeux sur son père. Un lâche, un Faible qui vole de femmes en femmes et qui n'a d'estime que pour sa propre personne. Il est loin le temps de la petite fille admirative. Désormais, elle se rapproche de lui subtilement, sait se rendre indispensable et intègre pleinement le réseau dans l'ombre. Ludmila est une Beauté et elle apprend à en pousser les fatales conséquences. Elle monte sa propre organisation de femmes aux mœurs légères et aux poignards cinglants si besoin. A son image, des meurtrières en dentelles, expertes des sorts d'amnésie aux conséquences les plus graves : момичета Велес (Les Filles de Velès). Et cela marche. A tel point que l'organisation de l'Aînée est reconnue comme une secrète branche du clan Vasilev et participent à la bonne marche des affaires du réseau. Ludmila gagne en puissance.

1951 :

Tout se passait pour le mieux pour l'Orgueilleuse mais voilà que son Paternel vient de rendre son dernier souffle. Cela a des conséquences sur la Prestance de l'Aînée, tout le monde est d'accord pour dire qu'elle est la mieux placée pour reprendre le clan, mais voilà, elle est une femme et c'est une chose inédite. Les plus conservateurs s'opposent à cette idée et nourrissent les ambitions des jumeaux. Les guerres intestines se livrent au sein du clan Vasilev et une nouvelle fois Ludmila a besoin d'alliés. Galaad sait se rappeler à son bon souvenir en lui proposant de nouvelles fiançailles. Avec son neveu par alliance, cette fois, le fils de Dyfnig qu'elle porte en estime. Mais elle trouve la chose étrange, incongrue. S'en moque d'abord puis y voit les avantages, l'appui d'une famille solide pour se hisser au sommet de son clan. Peu importe si il faut reprendre le voile d'épouse pour y parvenir., c'est donc dans de nouvelles fiançailles pour le moins chaotiques que s'engage Ludmila. Elle s'efforce toutefois de préserver les apparences. Rien n'est plus important que les ailes du pouvoir et pour cela, peu importe le prix à payer..